Suite de Prélude et Un été à la campagne.
Voilà près d’un mois que Roukie et moi vivons au rythme de la terre et de l’air campagnard.
J’observe ma petite pleine de terre. Elle apprend à ramper et est constamment sale, l’immense cerne du bain en fait foi … Et c’est génial. À la base, un bébé sent si bon. Imaginez un bébé qui se traîne dans le gazon et dans la terre à longueur de journée? Enfouissez-y votre nez, c’est absolument unique.
Je réalise combien il est difficile de travailler en portant la petite dans mon dos. Je l’ai fait quelques fois, mais il faut croire que je n’ai pas l’habitude du portage comme les Africaines. Penchée constamment, en petit bonhomme à longueur de journée, ce n’est pas ce qu’il y a de mieux pour le corps. Avec un bébé le mal de dos se voit décuplé. Je m’y fais tout de même, mais il faut dire que Roukie est curieuse. La plupart du temps, j’installe une grande couverte sous un arbre non loin du potager. De là, elle peut me voir tout en observant tranquillement le monde qui s’ouvre à elle autour. J’ai aussi un parc, qu’on laisse en dormance dans la grange. Rien à faire. Il semble que Roukie a déjà soif d’un monde sans limites.
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On m’a dit que la maternité me calmerait, qu’elle allait me changer, que je deviendrais beaucoup plus stable, posée, différente. Ouf …. Suis-je vraiment différente ? Ou simplement encore plus près de mon côté sauvage, instinctif et animal ?
Oui, la maternité me change. Elle me confirme dans mon besoin de m’affirmer et de vivre ma vie telle que je l’attends. Un peu hors des sentiers battus. Beaucoup de deuils à effectuer d’abord en ce sens. Ce couple standard et cette idée familiale promulguée depuis des années, au travers de générations. Nous avons tous un défi à relever. Le mien est-il de créer une unité familiale qui diffère, à mon image et à l’écoute de mes besoins et de nos différences ? Je ne sais pas, il est sans doute trop tôt. Je sais seulement que je dois apprendre à faire confiance en ce désir de transmettre certaines valeurs à ma fille qui aux yeux de plusieurs semblent « en marge » …
À notre image. Ouf. Même à mes propres yeux, je demeure aux prises avec ce modèle traditionnel qui est censé sécurisé et qui je sais, du moins pour moi, ne réponds plus. Comme il est lourdement ancré dans nos racines ce modèle. À même un idéal que l’on forge et construit longuement. Parfois même malgré soi. Pour se voir confronter à la réalité et réaliser qu’on ne peut que tenter de s’en approcher s’en jamais vraiment y parvenir.
Roukie n’y est pas.
La solitude ne me pèse pas. Il y a un moment qu’elle ne me pèse plus. En fait, elle se fait absolument riche et bonne.
Je marche seule sur la route de gravier et m’installe dans l’attente de l’orage.
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Nous nous sommes réveillés ce matin dans l’urgence. Les fortes averses et les orages ont détruits une grande partie de la tomatière. Près de cent cinquante plants.
Toute la journée à réparer. Rafistoler. Créer de nouveaux tuteurs avec des branches d’arbres. Faire le tri entre les branches cassées et attacher celles qui deviennent trop lourdes et qui ont besoin de support.
Dans l’après-midi nous allons vendre le surplus de légumes à la traverse de la route. Maigre récolte, mais peu importe. Comme ma vie montréalaise m’apparaît insipide et si loin des choses…
Avant de me coucher, j’irai recouvrir chacun des chou-fleurs de leurs feuilles. Afin qu’ils n’éclatent pas sous le soleil ardent et que la pomme reste belle et blanche.
De la fenêtre de notre chambre, me parvient l’odeur légèrement acidulée de la tomatière.
Les plants ne sont pas encore en fleurs et déjà cette odeur bien particulière me séduit. J’aime ce parfum et cette texture râpeuse que les feuilles laissent sur les doigts. Afin que les branches ne s’affaissent, on doit régulièrement prendre le temps d’élaguer les plants. Supprimer les gourmands. Débarrasser les plants de toutes ces branches qui ne produiront pas de fruits. Éliminer ce qui les alourdit et ne les aide pas à conserver leur équilibre.
La métaphore me saute aux yeux et se fait criarde. Trop sensiblement juste, vraie.
Voilà où j’en suis.
Prendre le temps d’élaguer ma vie un à un de tous ces gourmands inutiles.
Quelle belle découverte que ton blogue. J’adore! Ma vie est à l’opposée de la tienne, et pourtant à te lire, j’ai l’étrange impression que n’eut été que de 2-3 décisions ou rencontres dans ma vie, elle serait exactement comme la tienne. Comme si ce que tu racontes, était l’autre vie que je n’ai pas eue, que j’ai choisi de ne pas vivre, comme l’autre côté de mon miroir.
Sincèrement merci !
Je ne sais tout de même pas si ces choix sont toujours réellement miens 🙂 J’essaie d’être à l’écoute du tiraillement en moi, de ces désirs brûlants qui parfois s’opposent en tentant de chercher le moyen de trouver un équilibre entre ceux-ci. Parfois, on choisi, parfois c’est les autres. Et parfois il semble que ce soit la vie qui décide pour nous …
J’aime bien être l’autre côté d’un miroir. Alice. Ça me plaît tout ça.
Je ne me lasse pas de te lire… Il n’y a pas de grands ou petits voyages, il y a les voyages, tout simplement. Ta fille a vraiment beaucoup de chance. Déjà, s’imprégner de l’odeur de la terre lui donnera certainement le goût de poursuivre ailleurs et de respirer l’ailleurs. Tu élèves ta fille dans la poésie de la vie et du quotidien, et c’est merveilleux.
Elle est tellement juste et belle cette phrase : « Il n’y a pas de grands ou petits voyages, il y a les voyages tout simplement » !
Merci 🙂
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