Juin 2010.
La voiture est pleine.
Plus que pleine. Elle regorge de sacs de voyage, de valises, de boites, d’un parc, de nourriture. Une poussette, un peu de vaisselle, un sac-de-couchage. Trop de jouets. Un coup d’œil rapide dans le rétroviseur me rassure. La guitare, placée de biais, tient toujours le coup.
Derrière moi, mon bébé roupille doucement. Son souffle se fait paisible, régulier. Pour la première fois, je m’arrête depuis le tourbillon des dernières semaines. L’émotion me prend. Bien autrement. Il ne s’y trouve plus aucune trace de déception. Il y en a tant eu, dans ma gorge, à même la fatigue des derniers mois et des idéaux qui se désagrègent un à un. Non plus cette profonde tristesse ou cette grande amertume de ne pas y arriver auprès de mon amoureux présentement. Plutôt un soupir comme un apaisement. Je pose mes assises pour les prochaines semaines, enfin libérée d’un appartement dans ce Montréal que je n’aime plus depuis longtemps. J’ai besoin de vert. Et de silence. J’écoute enfin ce besoin qui criait son urgence et que j’avais tout de même colmaté. Moi qui flirte si souvent avec cette soif de vert (qui se traduit aisément par une intense soif de moi-même), je m’étonne car cette fois cette soif sera étanchée au rythme de la campagne. La campagne avec un grand « C ». Loin de ces chalets que l’on loue avec vue sur le lac et accès aux sentiers pédestres et « commodités », me voilà en route vers les terres profondes de St-Félix de Kingsey, sur une mignonne petite fermette.
Une nouvelle aventure, en somme. J’aurais tant aimé qu’il en soit autrement. J’ai essayé d’avoir une vie « normale ». Vraiment essayé. Et je n’y arrive tout simplement pas. Fatalité ou mon karma ? Peu importe. Ma propension aventurière et intrépide me rattrape toujours un peu malgré moi, semble-t-il. Le père de Roukie suivra-t-il un jour la cadence ?
Ainsi, pas de maison familiale pour le moment. Ni de quotidien partagé. Quelle étrange famille offrirons-nous à notre fille, son père et moi ? Comment concilier tous mes rêves ainsi seule avec un bébé ? M’aimera-t-il toujours si je continue à assumer cet aspect plus sauvage de moi-même ? Comme elle me tétanise cette question. Je la prends, entrouvre la fenêtre de la voiture et la laisse s’envoler.
Je m’éloigne si peu de Montréal. Et pourtant, dans ma conduite, je sens toute cette sensation et ce désir de bout du monde…
Suite sur le billet Un été à la campagne 1
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Plume magnifique et sentiments partagés… Pourquoi devrait-il y avoir un seul modèle de famille?
Si pertinente cette question ! Peut-être est-ce la peur de l’inconnu et d’avoir ainsi à créer qui me tétanise … Et pourtant, là est tout le plaisir !
Au fait, merci pour le beau compliment ! Ça me fait vraiment chaud au coeur.
Très très joli ce que tu écris. Et combien vrai, et combien souvent on n’ose s’écouter comme tu semble le faire. Je vais revenir.
Merci grandement, ça me touche beaucoup. Non ce n’est pas évident d’être à l’affût de ce qui se trame en soi quand on souhaite à la fois répondre à des attentes réelles, qu’on ressent comme imposées par d’autres (sociétales ou familiales en fait) ou encore imaginées… J’essaie d’écouter ce qui s’entrechoque en moi, qui créer du doute et des tensions. Ce mouvement imperceptible qui se fait criard si on ne s’y arrête pas. Mais je n’y arrive franchement pas toujours.
Mais comme il est salvateur de se perdre et se trouver à la fois vers « quelque part » ! Et comme ça titille ma curiosité ce magnifique pseudo ! 🙂
Viens me lire http://qqpart.blogspot.com, tu comprendras plus le pseudo…
Mon chum vient justement de ce coin de campagne profonde, je te souhaite un beau séjour! Avec les petits vallons, la vue est belle, la vie est simple.
En famille, nous sommes aussi déménagés à la campagne depuis février, mais même si nous vivons tous sous le même toit, nous sommes très indépendants et c’est très bien ainsi.
Ce qui me fait peur, c’est de passer de l’indépendance à l’indifférence, sinon, pourquoi pas!?!
Oh ! Merci pour ton mot. En fait, peut-être aurais-je dû le mettre de l’avant un peu plus, ou simplement tu ne l’as pas remarqué, mais c’est l’été 2010 que je relate ici 🙂
Sinon, ce fût une très belle expérience et je compte bien retourner y voir une amie prochainement.
Tu es où à la campagne exactement ?
Je ressens encore fortement l’appel, j’avais envie de voyager avant avec ma fille avant de « m’ancrer » davantage. Concilier tous mes rêves est impossible, mais je commence tranquillement à comprendre que je dois y aller par priorité en fonction du temps pour en mettre quelques uns de l’avant !
Je comprends ta peur. Le pas est parfois petit pour glisser de l’un à l’autre … mais si le coeur y est toujours, pas trop raison de s’inquiéter non ?
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