Y a des vagues sur la mer
Buveuses de lune
Y a des écumes aussi
Des écorces, des lettres déchirées
Des fleurs à la dérive
Y a des oiseaux au-dessus de la mer
Des grands oiseaux blancs
Avec des yeux comme des gouttes d’eau
Des oiseaux sans voix
Qui tournent en rond le bec ouvert
Qui piquent soudain dans les flots immenses
Les ailes collées le long du corps comme deux bras
Qui bruissent en s’égouttant
Y a des grèves autour de la mer
Des coquillages et du sel
Et de vieux marins qui ne voguent plus
Qu’on a débarqués mais qui sont repartis
Dans des voyages sans escale
Y a le soleil sur la mer
Et toi au bord
Qui le regarde descendre dans l’eau
La Gaspésie, Félix Leclerc, 1967
***
Ma fille avait 6 mois, lorsque j’ai tout plaqué là au terme d’une séparation difficile pour aller travailler dans une fermette biologique dans le Centre-du-Québec. Alors qu’il était mon voeu le plus cher, mon rêve de famille « normale » s’écroulait, portant avec lui mes espérances de découvertes en trio, voire en quatuor. De gros deuils s’amorçaient pour la fille hypersensible et contemplative que je suis. De gros choix aussi.
Je travaillais depuis quelques semaines sur la fermette à récolter et semer des légumes biologiques et ma fille s’est mise à ramper. Avec les dents qui perçaient, ça compliquait le travail et j’avais peur de déranger les autres « woofers » de la fermette. Je suis donc partie, 500$ en poche. Arrivée à Rimouski, le gérant de l’auberge de jeunesse m’a vendu une vieille tente 20.00$. Et puis j’ai amorcé durant trois semaines une tournée de la Gaspésie avec ma tente et mon bébé de huit mois. Les nuits seule dans mon sac de couchage avec Roukie sur la poitrine et le doux déferlement des vagues m’ont transformée. J’adorais déjà follement la mer. Là, dans ma tente, la Gaspésie et la mer venaient tour à tour lécher mes plaies.
Mon rapport avec la mer et la Gaspésie se veut donc intime, bienfaisant, initiatique.
Salvateur.
Tout comme il le fût pour Félix Leclerc.
*
J’avais énormément d’attentes quant à l’exposition « Le hamac dans les voiles ». Je tenais absolument à la voir au Musée de la Gaspésie, j’ai aussi découvert un musée fabuleux, quitte à tout chambouler notre itinéraire ! Avec Mingan, « Un hamac dans les voiles » était mon « dada » culturel et poétique dans cette tournée au travers du Québec Maritime. Et comme la vie est parfois bien faite, j’avais réalisé une merveilleuse rencontre la veille.
Nous étions donc en tournée de presse avec Émilie Devoe de Parcs Canada au travers du magnifique Parc Forillon lorsque je l’ai questionné quant à un endroit à déjeuner à Gaspé près du Musée de la Gaspésie. Puis je lui mentionnais que nous allions visiter le musée et que je tenais particulièrement à voir cette exposition. Quel bonheur que de voir Émilie le sourire qui tranquillement jaillissait soudainement au coin de sa lèvre tandis qu’elle conduisait. « C’est mon bébé »…
À mes côtés, j’avais l’initiatrice de ce projet qui me parlait tant sans même l’avoir vu ! Émilie, enceinte de son second fils, s’était surprise de cette envie boulimique de dévorer tout Félix Leclerc. Et telles que les grossesses nous le font parfois vivre, son élan créatif devait aller au-delà et se matérialiser. Aller au-delà des réflexions quant à la présence de la mer dans l’oeuvre poétique et la vie de Félix Leclerc…
Elle a donc eu l’idée de créer une exposition mettant de l’avant Félix Leclerc et son rapport à la mer. Une exposition avec bouts de bois de mer, valises, hamacs, extraits de chansons, anecdotes, correspondances, poèmes…
Une exposition à l’image de Félix, d’une simplicité profonde. Une exposition touchante. Fabuleuse.
On y apprend notamment comment la mer fût salvatrice après la séparation de sa première femme ; y découvre l’amitié profonde qu’il entretenait pour une femme qui vivait sur le bord de la mer « et vivait pour [lui] une vie qu'[il] devrait vivre » ; y lit la beauté et la pureté à même la simplicité des phrases et des mots.
L’exposition est tout simplement magnifique.
Et on a qu’une seule envie : y rester longuement et s’étendre dans ces hamacs flottant dans les voiles. Et puis se laisser bercer par la voix de Félix qui, à l’instar de la mer, agit telle une immense et si douce caresse.
Immense merci à Parcs Canada, Québec Maritime, Tourisme Québec et le splendide Musée de la Gaspésie …
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Merci Émile Devoe de ta présence et de partager ainsi ton amour pour la mer et les mots … xxx
Ça devait effectivement être une chouette exposition! (C’est le retour à la routine pour moi cette semaine, alors je vais en profiter pour lire tous tes articles que je n’ai pas eu le temps de lire cet été! 😉 J’ai toujours trouvé ça fascinant, l’effet de la mer sur les gens. Mon conjoint gaspésien a d’ailleurs une période de spleen, chaque année, s’il ne retourne pas près de la Baie des Chaleurs! C’est comme un attachement et un appel, un besoin de proximité avec mer. Avec les années je commence moi aussi à le ressentir un peu – presque autant que l’appel des club sandwich au homard ;)…