Les images se bousculent dans ma tête.
Les images, l’odeur de la grève humide, les cris des oiseaux…
Je reviens de la Côte-Nord le regard vif, aiguisé, charmée de tant de beautés étonnantes et naturelles. Rassasiée ? Nous nous y sommes seulement trempées les pieds… j’y aurais avec évidence passé tout l’été.
De magnifiques rencontres, Sandra et André à la Ferme Maricole sur l’Île de la Grosse-Boule à Sept-Îles, mais surtout du temps à explorer du méconnu. Le fascinant Jardin des Glaciers et sa Vallée des Coquillages (en pleine forêt!), dormir auprès du fleuve à Mer et Monde, quelques plages magnifiques où j’aurais avec évidence passé plus de quinze minutes, mais surtout cet archipel encore trop méconnu au sud de Havre-Saint-Pierre, qu’il faut absolument prendre le temps de découvrir. Et non, ce n’est pas si loin… C’est si près quand on y pense ce pays d’îles, d’oiseaux et de mer.
Elles sont plus d’un millier qui ont tranquillement jailli de la mer il y a environ 7000 ans. Plus de mille îles, cayes et îlots aux falaises escarpées et à la flore unique qui se serraient lentement formées sous la mer il y a 450 millions d’années et s’y serraient endormies sous le poids de la glace durant près de 1,5 million d’années pour rejaillir lorsque celle-ci aurait fondu.
Falaises et monolythes qui font une grande partie de leur charme se sont vus façonnés durant des siècles par la mer, le vent, le gel et le dégel tandis que les îles émergeaient lentement de l’eau.
Je rêvais depuis des années de ces balades en bateau d’île en île dans l’Archipel de Mingan… Des îles sauvages qui ont jailli de la mer après la dernière glaciation avec leur histoire et leurs mystères à apprivoiser. Sur la trentaine d’îles calcaires, et plus de milles îles et îlots granitiques, nous n’en aurons exploré que trois. L’île Nue, où la végétation est quasi absente si ce n’est que de la vaste et magnifique lande qui éblouie par sa présence et ses couleurs; l’île aux Perroquets, où vont, entre autres, nidifier les macareux moines, on peut observer une douzaine d’espèces d’oiseaux marins dans les îles, et où fût érigé un phare en 1888. Une île qui nous ramène à cette réalité sourde et criarde de la mer, cette grande dame et grande maîtresse qui en un coup de lame peut vous arracher brusquement la vie; puis l’île Quarry, la plus familiale des îles où l’on peut camper, à la rustique ou encore dans les tentes oTENTIK de Parcs Canada.
Seulement quelques jours dans ce décor insolite de bout du monde, auprès de ces rochers qui se dressent fièrement façonnés par la mer et le vent et ses falaises érodées, ce territoire devenu réserve de parc national depuis 1984. Quelques jours à y randonner auprès des tourbières, sur les longs platiers qui se jettent dans la mer, à contempler les spectaculaires monuments naturels témoins du travail de la mer, du vent et du temps.
J’en reviens sans mots. Sinon avec cette envie évidente d’y revenir. Revenir jouer au macologue, au géologue, au botaniste…
Et marcher.
Longtemps.
Je garderai en souvenir précieusement cette longue et plutôt difficile randonnée le long du littoral escarpé avec ma petite fille de 5 ans. Le vent qui nous giflait le visage, les joues rougies par le soleil et l’air salin. Et le chant de ma fille, amoureuse de mer tout comme moi et heureuse de gambader de galets en platiers, agrippant ça et là bouts de bois de mer et oursins évidés.
Bien avant les macareux moines, les monolithes et les phoques, je rêvais de dormir sur les îles. De m’endormir au souffle d’un rorqual en observant les étoiles et en m’imprégnant du silence. Nous sommes arrivées à notre campement sur l’Île Quarry exténuées. Deux mamans et leurs fillettes qui n’ont pas reculé quand on leur a confirmé que la traversée de trente minutes sur la mer agitée et houleuse se ferait dans un zodiac à l’air libre et sous la pluie battante. Braver les intempéries alors que la nature ne fait que cela depuis toutes ces années, nous devrions bien en être capable…
Je n’ai pu m’endormir au son du rorqual tel que je le souhaitais. Je me suis endormie plutôt au tambourinement de la pluie…
Au petit matin, tout c’était calmé. Roukie et moi sommes allées marcher le long de la grève, écoutant et contemplant les sternes, goélands argentés et autres bécasseaux venir nous souhaiter la bienvenue. Au loin, les lumières de Havre-Saint-Pierre s’éteignaient.
Et puis, avant même d’aller visiter les lieux insolites qui l’habitent, la magie de l’île a opéré.
On a entendu un grand « ploutch ».
À une trentaine de mètres, tout au plus, un rorqual soufflait…
***
Le poète Roland Jomphe, chantre de la Minganie, s’amusait à trouver des noms aux monolythes. Plutôt que d’y chercher des formes (et il y en a, une femme, des animaux, etc.), je me suis longuement étonnée avec ma fille de notre infime petitesse. Ma mère a souvent évoqué cette image comme quoi nous étions de minuscules grains de sable dans l’univers. De minuscules grains de sable ou de minuscules gouttes d’eau tel que l’évoque Jomphe dans son poème, l’analogie revient sensiblement au même. Devant l’immensité de ce qui nous entoure, et notre évidente petitesse, on ne peut que s’étonner. Sinon apprendre à se faire humble et solidaire….
La goutte d’eau
En regardant la terre
Au coin de l’horizon
En regardant la mer
La vie et la saison
Les lacs, les rivières, les fleuves : l’eau douce
Les mers, les golfes, les océans : l’eau salée
Trois fois plus d’eau que de terre
Et parmi toutes ces gouttes
Unité de la rivière, unité de l’océan
Où est la goutte plus utile
Où est la goutte plus importante
La profondeur la surface
La vague qui brise
Le fond qui se cache
Le profond qui nous grise
Où est la goutte plus importante
Celle qu’on voit ou ne voit pas
Où est la goutte plus utile
Celle qui tient ou qui soutient
La profondeur
La surface
En regardant la terre
En regardant la mer
En regardant le monde
Les peuples de la terre
Humains de l’univers
Où est l’homme plus important
Où est l’homme plus utile
En profondeur
En surface
Celui qui tient ou qui soutient
Celui qu’on voit ou ne voit pas
Celui qui parle ou ne dit rien
Au destin de l’humanité
Au mystère de la vie
Sur la mer
Sur la terre
Où est donc
Le plus utile
Ronald Jomphe
Pratico-Pratique :
- Il est possible de camper sur l’Île Quarry, notez qu’il n’y a pas d’eau potable sur les îles. Moi qui suis plutôt friande de camping sauvage, j’ai BEAUCOUP aimé comment les sentiers et les endroits où étaient nichées les tentes oTENTIK sont emménagés. La nature est fortement respectée, les tentes sont légèrement en retrait afin de préserver la beauté du paysage. Parcs Canada y fait vraiment un super boulot ! Pas d’électricité, pas d’eau, mais chaque tente dispose d’une prise USB alimenter à l’énergie solaire et est chauffé au propane (oui, oui ! Le gros luxe !).
- À compter de cet été, il est possible de dormir dans les deux maisonnettes entourant le phare de l’Île aux Perroquets. Celles-ci viennent tout juste d’être réaménagées. Il se trouve également un petit musée que l’on peut visiter. Bémol et légère déception : la visite du phare est actuellement réservée aux gens qui réserve une nuit sur l’Île, vous ne pouvez pas y aller lors d’une visite guidée.
- L’Archipel s’étire sur 85 kilomètres… Il faut donc prévoir en fonction des îles que vous désirez visiter ! Les départs pour la section ouest (Nue, Perroquets) se font de Longue Pointe-de-Mingan (avec les familles Loiselle et Vibert). Comptez 45 minutes de voiture entre Havre-Saint-Pierre et Longue
- Des guides naturalistes interprètes de Parcs Canada offrent des visites sur plusieurs îles au courant de l’été. Elles sont passionnantes !
Immense merci à Parcs Canada, la Famille Loiselle, Services Maritimes Boréale et Québec Maritime et Tourisme Québec grâce à qui ces extraordinaires excursions ont pu être réalisées.