Elle avait à peine 2 mois la première fois que nous avons croqué ensemble dans la Grosse Pomme. « Croqué » ? Un bien grand mot… Roukie préférait plutôt téter goulûment mon sein tandis que je me faisais croire que je profitais à fond de l’excentrique ville américaine. J’étais tout simplement complètement crevée.
Nouvelle maman épuisée de trop de nuits courtes et éreintée d’un trop grand tourbillon émotionnel, je me traînais avec peine derrière la poussette, ayant du mal à me rendre simplement de la 9e avenue à la 5e.
New York m’étourdissait.
Je ne ressentais plus cette sensation de vertige qui m’avait assaillie dix années plus tôt en découvrant la ville pour la première fois, mais bien une impression d’oppression. Cette folie urbaine se trouvait si loin de la nouvelle réalité que j’apprivoisais. J’avais de la difficulté à m’y fondre.
Aucunement dérangée par le tumulte vrombissant de la ville, Roukie sommeillait doucement tandis que moi j’absorbais. Une fois arrivée à la hauteur de la 5e, j’ai rapidement dû la quitter pour me réfugier dans un délicieux petit café.
Avant de pénétrer dans mon provisoire havre de paix, j’avais aperçu au loin la blanche neige immobile et céleste sur les branches des arbres de Central Park. Le spectacle était splendide. Surtout, bien rare. Tristement, je n’avais pas traîné avec moi mon appareil photo. Je me doutais combien serait éphémère cette vision immaculée, mais certainement pas à ce point ; le lendemain, le portrait magnifique n’était plus, la neige avait évidemment entièrement disparu. Central Park était redevenu froid, humide et en dormance.
Je porte désormais cette vision furtive de ce vaste manteau blanc profondément au creux de moi. Peut-être parce que cette image de calme et de blancheur contrastait tellement avec le rythme effréné et la grisaille dont se vêt si souvent New York.
Peut-être, simplement, parce que cette illustration de l’éphémère me ramène à l’impermanence de toute chose.
Tout comme l’écume onctueuse sur le latte qui, elle aussi, tend à disparaître…
*
Note : Cette semaine, je repars à nouveau « croquer » dans la Grosse Pomme. Roukie fait depuis longtemps ses nuits, mais la maman est toujours aussi fatiguée. Et étrangement, cette fois-ci, je compte bien y faire le plein d’énergie ! Répondre en quelque sorte à cette ardeur d’ailleurs qui m’embrase depuis si longtemps …
Suberpe texte!:o)
Merci beaucoup ! Ça me touche ton commentaire !